J'ACCUSE !
par Emile Jam Zola
Monsieur le Président de la guilde,
Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m'avez fait un jour, d'avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu'ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ?
Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. Vous apparaissez rayonnant dans l'apothéose de cette fête patriotique que l'alliance Archangels a été pour Amakna, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de cette nouvelle ère de travail, de vérité et de liberté née sous le signe du panda. Mais quelle tache de boue sur votre nom -- j'allais dire sur votre règne -- que cette abominable affaire Vili ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter une sadida, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c'est fini, la guilde Archangel a sur la joue cette souillure, l'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime social a pu être commis.
Puisqu'ils ont osé, j'oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de la mechanceté impunie qui regne là-bas, dans la plus affreuse des caboches sadidienne, un crime injuste et gratuit.
Et c'est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d'honnête féca. Pour votre honneur, je suis convaincu que vous l'ignorez. Et à qui donc dénoncerai-je la tourbe malfaisante des vrais coupables, si ce n'est à vous, le premier magistrat du pays ?
La vérité d'abord sur le procès et sur la condamnation de Jam.
Une sadida néfaste a tout mené, a tout fait, c'est l'archange Vili de la guilde Archangel, alors simple gardienne de la foi. Il est l'affaire Jam tout entière, on ne la connaîtra que lorsqu'une enquête loyale aura établi nettement ses actes et ses responsabilités.
Il apparaît comme l'esprit le plus fumeux, le plus compliqué, hanté d'intrigues romanesques, se complaisant aux moyens des romans-feuilletons, les papiers volés, les lettres anonymes, les rendez-vous dans les endroits déserts, les femmes mystérieuses qui colportent, de nuit, des preuves accablantes. C'est elle qui imagina de sombres punitions ; c'est elle qui rêva de l'étriper a coup de ronces violentes et sans pitié ; c'est elle que l'archange Mirabelia a tenté de raisonner mais en vain. C'est elle qui, armé d'un baton impitoyable, s'est introduite près de l'accusé endormi par l'amitié, pour projeter sur son visage de brusques coups de baton et perpetrer ainsi son crime, dans l'émoi du réveil.
Et je n'ai pas à tout dire, qu'on cherche, on trouvera. Je déclare simplement que l'archange Vili de la guilde Archangel, chargée d'instruire, de guider et proteger son prochain a failli à sa morale et a jeté le discrédit sur toute la guilde. Par son impetuosité, son manque de clairvoyange et sa colère aveugle, elle a dechainé sa haine contre un innocent.
Oui!
J'ACCUSE Vili de m'avoir tué lachement dans le dos pendant un combat où l'esprit d'amitié et d'entraide aurait du tous nous rallier.
J'ACCUSE Vili d'avoir agi impulsivement sans aucune parole ni remontrance.
J'ACCUSE Vili de ne pas avoir la moindre once d'humour.
J'ACCUSE Vili d'avoir laissé des cicatrices dans mon coeur et mon corps meurtri.
J'ACCUSE Vili d'avoir mis à mal la confiance aveugle que j'avais eu l'audace de laisser fleurir en votre sein.
Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui a tant souffert (et particulièrement d'un féca innocent et victime de son ton enjoué et de son humour) et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme. Qu'on ose donc me traduire en cour d'assises et que l'enquête ait lieu au grand jour !
J'attends.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect.